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Alain Delon, le lion est mort





C'est marrant comme Alain Delon a su attirer sur sa personne autant d'animosité. Alors qu'il nous quittés ce 18 aout 2024, c'est vrai que tout autour de moi j’entends surtout sur lui des remarques sur son personnage, soit trop à droite pour certains soit trop immodeste et imbu de lui même, sa caricature des guignols il y a 25 ans le présentait comme ce type imbuvable qui parlait de lui à la troisième personne. Et tout ceci est vrai en partie mais ce serait extrêmement limitatif de s'en tenir à cette image réac qu'il diffusait. Le personnage était probablement plus complexe et il était surtout un grand, un très grand acteur, qui avait tourné avec les plus grands, et c'est vrai. Les États-Unis avaient Marlon Brando et nous on a eu Alain Delon. Il était beau à se damner quand il était jeune mais il crevait surtout l'écran, ce qui n'est pas donné à toute personne bien dotée physiquement par la nature.


Né dans un milieu très modeste en banlieue parisienne, il s'engage à 17 ans dans la marine, participe à la guerre d'Indochine et par hasard, parcequ'il était incroyablement solaire, il est repéré à Cannes dans un casting sauvage. Il va commencer par des petits rôles et rencontrer à 23 ans l'un des amours de sa vie, pour lequel à chaque fois qu'il en parlait il était très ému, l'immense Romy Schneider avec qui il sera en couple 5 ans.




Le roman Monsieur Ripley de Patricia Highsmith a été adapté trois fois, dernièrement en superbe série Netflix, dans les années 2000 avec Jude Law et Matt Damon...mais l'adaptation première et son premier chef d'oeuvre fut Plein Soleil de René Clément. Le premier film que j'ai vu de lui en tant que cinéphile (j'en avait vu plein d'autres gamin mais pas les meilleurs). Et ce fut une énorme claque.


L'année suivante il fait une autre rencontre de sa vie, celle du maitre Luchino Visconti, au début de sa carrière. Rocco et ses frères remportera le Prix Spécial du Jury au Festival de Venise, énorme chef d'oeuvre qui les fera se retrouver en 1963 pour Le Guépard, autre claque immense. Le film avec Burt Lancaster et Claudia Cardinale sera un immense succès critique et public, multiduffusé depuis 60 ans et qui n'a pas pris une ride.


Sa carrière est lancée très jeune et avec un niveau stratosphérique.


Si vous n'aimez pas Alain Delon, peut-être n'avez tout simplement pas vu la dizaine de chef d’œuvres qu'il a tourné. Ne vous arrêtez pas à sa carrière grand public et mégalo où il jouait toujours des flics à partir du milieu des années 70. Comme son rival Jean-Paul Belmondo, l'essentiel de ses très bons films se situent lorsqu'il était jeune. Il a raté le tournant de sa carrière et s'est enfermé dans un personnage et un ego qui faisait fuir les réalisateurs. En plus dans les années Mitterand, l'intelligencia artistique le regadait d'un mauvais oeil.


Toujours en 1962 donc, il poursuit sa phase film d'auteur avec L'Eclipse de Michelangelo Antonioni où il joue un homme idéal qui va vite décevoir l'héroine.


Mélodie en sous-sol d'Henri Verneuil fait rencontrer à Delon le culte Jean Gabin, avec qui il deviendra très proche et qui restera pour lui un modèle indépassable, jouant au passage dans les des meilleurs polars de la décennie.


Si La Tulipe noire de Christian Jacques n'est pas un excellent film, il poursuivra la popularisation de l'acteur.


Après Le Guépard, il joue dans Les Félins de René Clément avec Jane Fonda, toujours en séducteur ayant trop fricoté avec le femme d'un gangster américain. A voir bien entendu.


Il joue ensuite dans L'insoumis d'Alain Cavalier, un agent de l'OAS et un rôle aux antipodes de ses convictions hautement gaullistes.


Il est ensuite Jacques Chaban Delmas dans Paris brûle t-il ? à nouveau sous la direction de René Clément et pour la première fois dans un même film que Jean-Paul Belmondo.


En 1967, il rencontre une autre icône, Lino Ventura dans Les Aventuriers de Rober Enrico et partent à la recherche d’un trésor englouti au large des côtes congolaises.


La même année Jean-Pierre Melville l'embauche pour la première fois et pour un chef d’œuvre absolu, Le Samourai. Il y joue un tueur à gages froid et placide et il a une classe assez phénoménale.


En 1969 il retrouve Romy Schneider pour un autre chef d’œuvre, La Piscine de Jacques Deray avec Maurice Ronet.


Le Clan des Siciliens toujours en 1969, à nouveau avec Henri Verneuil et cette fois-ci avec ses deux idôles Jean Gabin et Lino Ventura ! Un casting incroyable pour un film de mafieux magique.


Borsalino de Jacques Deray lui permet enfin en 1970 de partager l'affiche avec l'autre méga star masculine en France, Jean-Paul Belmondo. Ils y jouent deux truands et cabotinent un peu certes mais ils assurent le show.

Retour à un chef d'oeuvre avec l'immense Le cercle rouge de Jean-Pierre Melville, film de truands avec un Bourvil méconnaissable et Yves Montant ultra classe.


L'année suivante il joue avec la femme de Montant, l'immense Simone Signoret dans La Veuve Couderc de Pierre Granier-Deferre. Il y joue un ex taulard sorti de prison après 5 ans pour meurtre, qui trouve refuge chez une femme plus âgée que lui avec qui il va entretenir une relation sexuelle mais pas de sentiments.


En 1972 il est Le Professeur pour le grand de Valerio Zurlini pour qui il joue un quarantenaire attiré par l'une de ses élèves. Troublant et casse gueule mais le film est très bon.


Puis commence sa série de films où il passe des rôles de truands au rôles de flics avec Un flic de Jean-Pierre Melville, hélas assez râté. En 1974 il enchaine une suite de Borsalino sans Belmondo, là aussi, mauvaise pioche.


Parmi les plus rares bons films des années 70 on peut retenir Flic Story de Jacques Deray avec l'immense Jean-Louis Trintignant.


Son Zorro de 1975 est oubliable, et il faut attendre 1976 pour enfin qu'il renouer avec un chef d'oeuvre avec Monsieur Klein de Joseph Losey. Le film se situe pendant l'occupation allemande à Paris, et suit un homme qui rachète des oeuvres d'art à bas prix, et découvre qu'un homonyme juif utilise son nom. Il décide alors de remonter la piste qui le mènera à cet inconnu. Le film est formidable.


Dans les films pas mal de cette décennie on peut regarder Mort d'un pourri de Georges Lautner.


Mais çà sent la fin. Il enchaine les films moyens où il se caricature et même si il tente la jeune génération, çà ne prend pas. Notre histoire de Bertrand Blier est l'un des films les moins bons du réalisateur. Pareil pour Nouvelle vague de Jean-Luc Godard, pas bon.


Après une décennie 80 assez mauvaise et sans intérêt, l'artiste aborde l'âge avancé avec des films à chaque fois présentés comme des évènements car il tourne peu mais franchement râtés comme Le Retour de Casanova ou Une chance sur deux avec Belmondo, triste visionnage. Bref, on l'a perdu, on est au milieu des années 90, il est un monstre sacré certes mais ceci fait 20 ans qu'il n'a rien tourné de bon et l'homme est intelligent, il s'en rend compte et s'éloigne des plateaux de cinéma.


On le verra dans des séries médiocres de TF1 Fabio Montale ou Frank Riva. Il sera César dans Astérix aux Jeux Olympiques, film assez cataclysmique.


En 2019, le Festival de Cannes lui a décerné une Palme d'honneur pour l'ensemble de sa carrière et il était très ému. Depuis de nombreuses années il voulait partir et ne se reconnaissait plus dans le monde d'aujourd'hui.


Il est vrai que l'iconique Alain Delon est emblématique d'une époque faste des années 60 et début des années 70 où tout lui réussissait. Il a tout de même joué si on fait le compte des films précités dans pas moins d'une douzaine de chefs d'oeuvres et une vingtaine de très bons films au total.


C'est un excellent bilan très resséré sur sa première partie de carrière, n'ayant pas su évoluer et prendre le train d'une forme de modernité, comme rattaché pour l'éternité à ses fantômes du passé qu'il citait si souvent,  Jean Gabin, Lino Ventura, Mireille Darc, Jean-Pierre Melville, Luchino Visconti et bien sur Romy Schneider, sa chère Romy qu'il a du bien faire souffrir mais qui ne le quittait pas. Un grand sentimental au fond mais qui s'était construit son propre mausolé et s'est figé avant même ses 50 ans. On ne saura jamais ce qu'aurait donné un Delon plus accessible, moins prétentieux et c'est dommage.


En tout cas c'était un immense acteur qu'on, aime ou pas le personnage et voir certains de ces films est vivement recommandé.









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