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Civil War




Une course effrénée à travers une Amérique fracturée qui, dans un futur proche, est plus que jamais sur le fil du rasoir.


Alex Garland n'est pas très connu du grand public mais des cinéphiles. Fidèle compagnon de Danny Boyle, il a été son scénariste sur 28 Jours plus tard, Sunshine avant de devenir réalisateur de films de SF ambitieux comme Ex Machina, Annihilation, ou de la série les plus DEVS qui réussissait à rendre compréhensible la physique quantique et créer une atmosphère unique en son genre. Son dernier film, Men, a fait sensation en 2022 entre horrifique et SF. Mais son film suivant "Civil War" se déroule dans un futur proche, en Amérique où une guerre civile est en cours.


Il change radicalement de sujet puisqu'il s'agit clairement d'un film d'action, son plus gros budget mais aussi son premier gros succès au box-office où le film a fait une entrée fracassante au box-office tout en récoltant des critiques dithyrambiques avec une moyenne de 81% sur Rotten Tomatoes, l'agrégateur mondial de critiques, ce qui est un excellent score.


Kirsten Dunst y joue une célèbre journaliste de guerre qui décide de partir pour Washnigton où le Président des Etats-Unis est assiégé, dans l'espoir de récolter la photo qui fera date. Elle est accompagnée de collègues tous joués par un casting au top avec Wagner Moura ("Narcos"), Stephen McKinley Henderson ("Dune") et Cailee Spaeny ("The First Lady", Priscilla et bientôt Alien Romulus).


Kirsten Dunst est toujours aussi brillante. On l'a connue ado dans Entretien avec un vampire, on l'a vue grandir avec Virgin Suicides, les Spider-Man de Sam Raimi, Marie-Antoinette de Sofia Coppola, Melancholia de Lars Von Trier, la géniale saison 2 de Fargo, récemment The Power of the Dog de Jane Campion. A 41 ans, sa carrière est très classe et exigeante et son rôle dans Civil War est une nouvelle médaille. Son regard triste et son attitude en dehors de la réalité lui donnent un masque, celle de la distance du photo journalisme avec son sujet. Ne pas s'émouvoir, ne pas intervenir et juste témoigner. Mais où est la limite entre le témoignage et l'aspect charognard de l'image choc, incandescente et cruelle. Et c'est tout le cœur passionnant de ce faux film d'action qui certes envoie du lourd et tient sous tension avec des scènes impressionnantes et stressantes. Mais le sous-texte est celui de ce regard non impliqué, drogué à l'image qui pourra faire l'histoire, quitte à risquer sa vie. Cailee Spaeny lui donne le change dans le rôle de la jeune femme encore peu mature qui veut risquer sa vie pour apprendre et va tomber dans les travers malgré les avertissements au final bienveillants de son idole, cette star journaliste sur qui les sentiments et l'émotion glissent comme l'eau sur des plumes de canard. Le décalage entre la froideur et la distance au sujet de l'une se croise avec la curiosité et l'excitation de l'autre au fil des épreuves que les quatre journalistes voit traverser. Cailee Spaeny capte la lumière comme rarement et prouve qu'elle est belle et bien l'une des grandes découvertes de l'année et que c'est une star en devenir, au potentiel énorme.


Et puis Alex Garland use de son talent de metteur en scène, entrainé à la dure depuis trois films exigeants, pour livrer toute la violence et la brutalité amorale d'une guerre. Et pour se faire, au-delà du tour de force visuel, il choisit en plus de ce regard neutre du journaliste, de ne pas expliquer pourquoi l'Amérique est en guerre et si il y a un bon ou un mauvais côté. Non il n'y en n'a pas. Il y a juste la guerre, les morts éparpillés dans des villes en ruines ou des campagnes si belles mais tachées de rouge. Et il nous montre sans esthétisation malsaine ce que serait une guerre dans un pays si avancé. Et le problème c'est qu'il n'a pas besoin d'expliquer les raisons car ce n'est pas tant de la fiction que cela quand on voit des Trumpistes décérébrés envahir le capitole, croire que la terre est plate ou que des démocrates mangeant des bébés dans un complot délirant et que le résultat de cet affaissement culturel et sociétal aboutit au clivage effrayant que l'on connait aujourd'hui dans les Etats pas si unis que cela d'Amérique.


La déliquescence d'une nation avait rarement été montrée de façon aussi glaçante, crédible et hélas envisageable de part le nihilisme et le refus de l'autorité démocratiquement élue qui traverse l'Amérique et les pays occidentaux aujourd'hui. Alex Garland signe un grand film politique sans prendre parti ce qui est un tour de force impressionnant. C'est particulièrement gonflé et pacifiste de part l'effet que le film procure à sa sortie. La morale est audacieusement laissée au jugement du spectateur car Alex Garland le respecte et l'espère assez intelligent pour comprendre. Un très grand film.


La piste aux Lapins :





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