De Clint Eastwood
L’ incroyable filmographie de plus de 40 films de Clint Eastwood compte de nombreux chefs d’œuvres, un regard unique sur l’Amérique et un talent hors du commun. Évidemment on a pu lui reprocher ses positions trop républicaines à certains moments où il soutenait mordicus des politiques pas très fin. Mais il ne faut juger trop vite à travers notre regard européen d’aujourd’hui un homme à la carrière si riche et longue. Il a certes raté certains de ses films ses dernières années, jugés faciles voire réactionnaires et puis il en a réussi aussi d’autres.
Réputé pour tourner plus vite que son ombre, en un temps record, sans jamais un jour de retard voire en avance sur ses agendas, Clint tire sa révérence à 94 ans et Juré#2 sera probablement son dernier film. Il faut dire que c’est un age hallucinant pour encore avoir la pêche de réaliser un film mais rien ne l’arrête. Les producteurs ont hésité à lui donner le feu vert compte tenu de l’échec de son dernier film, Cry Macho.
Juror#2 est le film idéal pour permettre à la légende hollywoodienne de nous faire ses adieux.
Son casting est impeccable avec Nicholas Hoult et Toni Collette. Hoult est un excellent acteur que je suis depuis ses premières incursions dans la série Skins puis en brillant second rôle dans A single Man, Mad Max Fury Road, X-Men le commencement et X-Men days of future past , La Favorite, ou le génial Le gang Kelly. Niveau premier rôle, ses tentatives n’ont pas fonctionnées au box office mais il est revenu en grâce à la trentaine avec son rôle de Pierre II de Russie déjanté et cruel dans la série The Great ou son rôle inquiétant dans The Menu. Il est annoncé chez deux réalisateurs hyper hype cette fois ci en premier rôle avec Nosferatu de Robert Eggers (The Northman, the lighthouse) qui sortira fin décembre ou The Order de Justin Kurzel avec Jude Law où il jouera un gourou de secte des années 80 et qui a reçu un excellent accueil à Venise. Enfin, il sera le grand méchant du nouveau Superman de James Gun qui sortira à l’été 2025 en incarnant Lex Luthor. On peut donc dire que sa carrière prend enfin son envol.
Et la dans Juror#2 il est très bon, dans le role du futur père rangé qui cache un passif plus complexe et qui va se retrouver dans un dilemne moral incroyable. Que faire ? Sacrifier sa vie pour la justice et la liberté d’un autre ou raisonner égoïstement? Il arrive à exprimer avec finesse cette culpabilité, ses doutes durant les scènes de procès tout comme la facade quand il ment ou tente de convaincre ses co-jurés. Clint a du penser à 12 hommes en colère, forcément.
Toni Collette est excellente en procureure obsédée par la dernière ligne droite vers sa carrière politique. En ce sens Eastwood dresse un portait passionnant du système judiciaire américain. Entre l’avocat nommé d’office, compétant mais sans moyens, cette procureur cynique qui ne pense pas vraiment à la justice comme priorité plus par habitude et carriérisme, ces jurés qui jugent sur un délit de faciès et d’historique. C’est sur que quand on est un beau blanc futur papa et bien sous tous rapports, on a moins de chances d’être suspecté. Et Clint Eastwood, pourtant réputé bien à droite, interroge ce déterminisme social via ce dernier film, avec beaucoup de finesse. Il interroge également le mal, la naissance du mal par besoin de survie ou par égoïsme où l’instinct primaire prévault sur la justice. Et surprenant de sa part, il met en doute la facilité de l’erreur judiciaire au regard des peines de prison délirantes qui peuvent tomber sur une personne reconnue coupable par douze autres, qui ont juste parfois envie de rentrer chez eux très vite et ne se sentent pas impliqués.
Un très bon dernier film de l’ultra classe Clint Eastwood et un très bon premier rôle pour Nicholas Hoult à qui j’en souhaite plein d’autres dans les mois à venir.
La piste aux Lapins :
Bande-annonce :
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