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Les meilleurs films du Blanc Lapin 2023 - Partie 2 : N°20 à N°1




Suite et fin du classement des meilleurs films du blanc lapin 2023...


N°20 - The Creator


De Gareth Edwards



Dans un futur proche, humains et intelligence artificielle (IA) se livrent une guerre sans merci.

Soldat américain infiltré en Asie, Joshua est séparé de sa femme Maya au cours d’un assaut. Supposant que celle-ci est décédée, il rentre aux États-Unis, complètement dévasté. Cinq ans plus tard, l’armée lui demande de revenir sur le terrain, craignant qu’une puissante intelligence artificielle n’ait créé une arme qui permette à l’Orient de gagner la guerre qu’elle livre à l’Occident. Sentant son utilisation proche, elle souhaite qu’il la trouve et la détruise.

Lorsque la colonelle Jean Howell apprend à Joshua que Maya est peut-être en vie et qu’elle se trouverait dans la zone de combat, celui-ci trouve soudainement un nouvel enjeu dans cette mission qu’il avait tout d’abord accepté à contrecoeur. Cependant, peu après son arrivée en Asie, il découvre que l’arme en question n’est autre qu’une petite fille de 6 ans prénommée Alphie. Dès lors, Joshua commence à remettre en question ses convictions sur l’IA : Où est la vérité ? Que lui a-t-on caché ?


Gareth Edwards est donc de retour avec un film de science-fiction qu'on n'attendait pas, 7 ans après avoir signé le meilleur film Star Wars depuis que Disney a racheté LucasFilms, à savoir Star Wars Rogue One.


Soyons directs, le film est une très grande réussite. De Rogue One, le réalisateur conserve son goût pour les combats divers en mode résistance à l'envahisseur. Il y laisse de la même manière la rudesse des images de massacres et arrive à rendre ces scènes prenantes et révoltantes alors que la plupart du temps ce sont des robots qui se font tirer dessus. Mais l'idée que les robots aient non seulement développé une conscience mais qu'ils aient scanné les visages des humains volontaires pour donner leur visage et leur caractéristiques de conscience, ait une excellente idée. Certes, Edwards pioche dans les grands classiques de la SF mais il y apporte sa propre vision et surprend à plusieurs reprises. Le duo formé par John David Washington et la jeune Gemma Chan, est très attachant et apporte son lot d'émotions. Car à aucun moment le metteur en scène n’oublie l'affect sans tomber dans le pathos et tout en livrant un résultat Sf absolument brillant visuellement. Certes quand on voit le niveau des effets spéciaux dans les séries aujourd'hui on ne cesse d'être bluffé mais là c'est à nouveau un exemple du gap pris par l'industrie depuis quelques années.


Enfin et surtout, le parti pris géopolitique du film a de quoi surprendre de la part d'un film à budget certes loin des blockbusters, Gareth Edwards ayant fait de la magie avec peu, mais un budget tout de même. En effet les américains passent pour d'énormes connards incapables de tendre l'oreille et le film critique ouvertement les exactions américaines au Vietnam tout comme l'invasion de l'Irak post 11 septembre en inventant les armes de destruction massives. Le film gagne en épaisseur grâce à ce sous-texte politique vraiment original dans le genre et qui fait beaucoup de bien.


Ensuite le film prends à contre pied nombre de récits de Sf abordant l’intelligence artificielle et c'est plutôt là aussi, une bonne surprise.


Le spectacle total est donc là, ce n'est ni une adaptation ni la suite d'une franchise et çà fait un bien incroyable de voir qu'on peut encore sortir des histoires originales et tenter de titiller la SF adulte à la « Blade Runner » ou « Dune ».


Un divertissement intelligent, ambitieux, généreux, aux personnages nuancés et attachants.


La piste aux Lapins :




N°19 - L'amour et les forêts



Quand Blanche croise le chemin de Grégoire, elle pense rencontrer celui qu’elle cherche. Les liens qui les unissent se tissent rapidement et leur histoire se construit dans l’emportement. Le couple déménage, Blanche s’éloigne de sa famille, de sa sœur jumelle, s’ouvre à une nouvelle vie. Mais fil après fil, elle se retrouve sous l’emprise d’un homme possessif et dangereux.


Découverte avec La Guerre est déclarée en 2010, Valérie Donzelli n'avait pas véritablement transformé l'essai avec ses quatre films suivants dont le dernier, Notre Dame, était franchement mauvais.


Il faut croire qu'il lui aura fallu un matériau de base de qualité avec l'adaptation du prix Renaudot 2014, pour enfin revenir à son meilleur. Le roman d'Éric Reinhardt trouve ici une adaptation extrêmement réussie où la réalisatrice met mal à l'aise le spectateur en l'enfermant avec la victime, cette femme quarantenaire qui découvre trop tard l'ultra possessivité d'un mari rencontré sur le tard. Valérie Donzelli use de filtres qui nous rappellent les pellicules du début des années 80 avec un grain très particulier jusque dans des décors de la maison, des papiers peints, du mobilier qui nous plongent dans une époque où il était plus compliqué pour une femme d'agir.


Évidemment Virgine Efira est brillante de subtilité de bout en bout comme à son habitude, laissant apparaitre sur son visage des doutes aussi bien que des ressentis intérieurs qu'elle n'exprime pas face à son mari qui la fait douter puis la terrorise. Cette peur dans le regard comme sa détermination ou ses questionnements passent beaucoup par des non-dits et c'est aussi fort que sa prestation dans "Revoir Paris", qui lui a valu un César de meilleure actrice très mérité.


Face à elle, Melvil Poupaud est extraordinaire et trouve l'un de ses meilleurs rôles. Évidemment il a été brillant chez Eric Rohmer (Conte d'été), Raoul Ruiz (Le temps retrouvé), Noémie Lvovsky (les sentiments), François Ozon (le temps qui reste, Grâce à Dieu), Arnaud Despleschin (Un Comte de Noêl), Pascal Thomas (Le crime est notre affaire), Xavier Dolan (Lawrence Anyway),Justine Triet (Victoria), la série OIvni(s) et tout en ce moment même chez Maiwen (Jeanne du Barry).


Mais jamais ce côté pervers et fou dans son regard n'avait été exploité de la sorte. On a souvent utilisé sa silhouette longiligne, sa voix lourde et la duplicité qu'il est capable d'instiller dans son jeu, où on ne sait jamais si le personnage est sincère ou si l'intelligence qui l'anime cache autre chose. Ici Donzelli capte toutes ces nuances de jeu de Melvil Poupaud pour construire un monstre mais un monstre toujours à la limite.


Il ne frappe pas sa femme pendant toutes ces années, ce qui l'aurait rendu caricaturalement détestable rapidement. Non, sa violence mentale est perfide, son emprise s'insinue lentement comme un poison qui détruit sa femme. Il a même conscience de son obsession mais on ne sait jamais si il est sincère ou juste manipulateur pour retrouver son emprise plus fortement encore. Son jeu et vraiment brillant et pourrait lui valoir un César, ce serait amplement mérité.


Ce thriller psychologique est à voir de toute urgence.


La piste aux lapins :




N°18 - Oppenheimer


De Christopher Nolan



Christopher Nolan est aujourd’hui un réalisateur reconnu déplaçant les spectateurs sur son seul nom et montant ses projets avec facilité, sur des thèmes pas toujours évidents à la base. Son dernier film, Tenet, atteignait les limites de son style fait de contorsions avec le temps et de trop plein d’idées dans son scénario. C’était son premier faux pas tant le film était inutilement complexe et incompréhensible.


Avec Oppenheimer, il ne sacrifie pas un autre de ses défauts, le manque de concision, avec une durée de 3h01. C’est bien simple, au bout de deux heures un second film commence. Il faut donc s’accrocher pour mériter l’appréciation de l’ensemble.

Car soyons clairs, Oppenheimer est une grande réussite. Cylian Murphy obtient enfin un premier rôle chez Nolan et incarne ce scientifique au caractère complexe et sonde tant ses doutes moraux que ses convictions politiques portées à gauche. Le fait d’avoir suivi la chasse aux sorcières dont il a été victime avec un Robert Downey Junior impérial en supérieur calculateur, est vraiment la bonne idée du film.


Car en effet, toute la première partie sur la création de la mission et de la bombe atomique est extrêmement réussie, tendue, traversée d’un casting cinq étoiles de Matt Damon à Florence Pugh, Emily Blunt, Alden Ehrenreich, Casey Affleck, Kenneth Brannagh, Jason Clarke, Rami Malek, Josh Hartnett.


Mais la seconde partie, moins tournée dans l’action, m’a semblée passionnante en décrivant cette Amérique parano prête à brûler ses idôles sur l’hôtel du Maccarthysme pour donner deux trous exemples expiatoires.


Le côté historique et intimiste de ce biopic à quelquechose de fascinant dans sa mise en abîme, d’autant que le personnage n’est pas présenté comme un type irréprochable. La fission nucléaire accompagne celle d’un homme partagé entre l’éthique du progrès, la volonté d’interrompre la guerre, la crainte d’anéantir l’humanité et la culpabilité d’avoir exterminé plus de 200 000 japonais.


Le film puise sa puissance dans son esthétique, sa mise en scène toujours aussi labyrinthique avec des scènes se faisant écho et cette thématique forcément plus grande que l’individu qu’elle raconte.


La piste aux lapins :




N°17 - L'Enlèvement


Marco Bellocchio



En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant aurait été baptisé en secret par sa nourrice étant bébé et la loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l'enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant...



Cinéaste souvent sous-etimé par la critique internationale et inconnu du grand public, Marco Bellocchio fait pourtant partie des grands cinéastes italiens (Le traitre, Vincere, Buongiorno notte, Le prince de Hombourg, Les poings dans les poches).


Avec L'enlèvement, le réalisateur de 83 ans signe une fresque historique certes d'une réalisation classique mais dont l'histoire est juste hallucinante. Cette période de l'Italie est assez méconnue et peu traitée au cinéma. Le pape Pie IX fut pourtant l'un des plus rétrogrades et conservateurs et ce n'est pas pour rien si l'ultra contesté Pie XII, qui ferma les yeux sur l'horreur nazie, prit son nom et fit tout son possible pour le canoniser. La quasi folie du personnage qui eu 30 ans de règne et fut le dernier souverain pontife à régner sur les régions d’Italie reprises par la force, est extrêmement bien rendue. Surtout, cette histoire d'enlèvement d'enfants soit disant baptisés, arrachés à leurs parents juifs, est juste incroyable. On y voit tout l'aveuglement de l’Église et la domination via des scènes d'humiliation incroyable des représentants juifs, considérés comme des sous-hommes. On comprends tout le terreau antisémite qui conduisit à la Shoa. Bellocchio montre tout le processus de manipulation d'un esprit non encore totalement formé, celui d'un enfant qui va vivre le syndrome de stockholm et tomber en admiration pour son kidnappeur.


On comprend pourquoi Steven Spielberg voulu pendant de nombreuses années adapter cette histoire qui fit scandale dans toute l'Europe, amenant même le très chrétien Napoléon III à s'insurger contre l'attitude du Saint père. Le fait divers historique devient sous la caméra de Marco Bellocchio l'occasion de saisir le basculement entre deux siècles de ce qui sera l'un des pires drames de l'humanité.


Cet opéra baroque, reconstitution flamboyante contre l’obscurantisme est absolument à courir voir de part sa thématique, l'émotion qui se dégage de la dernière partie et l'image magnifique de la photographie.



La piste aux Lapins :

 



N°16 - Misanthrope


De Damián Szifron


Actuellement disponible en VOD


Eleanor, une jeune enquêtrice au lourd passé, est appelée sur les lieux d’un crime de masse terrible. La police et le FBI lancent une chasse à l’homme sans précédent, mais face au mode opératoire constamment imprévisible de l’assassin, l’enquête piétine. Eleanor, quant à elle se trouve de plus en plus impliquée dans l'affaire et se rend compte que ses propres démons intérieurs peuvent l’aider à cerner l'esprit de ce tueur si singulier…


Le réalisateur argentin de l’excellent « Les nouveaux sauvages » revient enfin et auX Etats-Unis avec ce thriller d’une efficacité redoutable.


Shailene Woodley est parfaite dans le rôle de cette simple flic qui croise la route d’un brillant agent du FBI, joué par le génial et trop rare Ben Mendelsohn, au sommet de son art et d’une classe incroyable.


L’idée d’un tueur en série de masse en mode taré trumpiste complotiste est vraiment géniale. Elle dit tout d’une Amérique percutée par l’écartement entre les classes sociales et le décrochage total des perdants de la mondialisation. Évidemment, ceci peut générer ce type de monstre flippant quand l’Etat fédéral autorise n’importe qui à s’armer Jusqu’aux dents d’armes de guerre. Damian Szifron nous parle donc avec cynisme et en nous regardant droit dans les yeux, de cette société ultra violente et dangereuse, celle du port d’arme et du libéralisme incontrôlé.


Tous les ingrédients pour arriver au pire. Lorsqu’il ajoute à son scénario une mise en scène haletante et inventive, forcément le film vous capte dès les premières minutes et vous embarque jusqu’à une fin pas loin d’être aussi noire d’un certain Seven.

Un excellent thriller.


La piste aux lapins :






N°15 - Mission : Impossible - Dead Reckoning Partie1



Depuis le cinquième volet, Rogue Nation, Christopher McQuarrie est à la réalisation, au scénario et à la co-production de la saga Mission impossible et le niveau des films s'est accru considérablement. Là où ils ont toujours été de très bon thrillers d'action, ils sont depuis des étalons du genre, surpassant les 007 (Skyfall mis à part).


Les scènes d'action sont très impressionnantes, d'autant plus avec un Tom Cruise en mode demi-dieu hollywoodien qui réalise lui-même ses cascades.


Surtout, les films ont pris une ampleur en mettant au centre l'équipe d'agents secrets et l'amitié qui les lie. Retrouver Vingh Rames en fil rouge de l'ensemble des films, Simon Pegg et depuis trois films la géniale Rebecca Ferguson donnent à l’ensemble une identité et surtout une empathie pour Ethan Hunt.


L'idée géniale de faire de l'antagoniste une intelligence artificielle donne au film des accents très actuels et aux enjeux un regard différent des films d'action habituels.


Le cahier des charges est de nouveau rempli pour un bijou d'action et d'émotion à grosses doses d'adrénaline. Surtout, Dead Reckoning renouvelle les thématiques et le fait avec un brio rare.


Les 2h46 passent à une rapidité incroyable, le film est généreux, mis en scène avec folie et style, et se projette comme un sauveur du box-office mondial et du retour en salles des spectateurs, Mission que s'est donnée Tom Cruise et qu'il a déjà réussie une première fois avec Top Gun Maverick l'an dernier.


La piste aux Lapins :




N°14 - The Son

De : Florian Zeller


À dix-sept ans, Nicholas semble en pleine dérive, il n'est plus cet enfant lumineux qui souriait tout le temps. Que lui arrive-t-il ? Dépassée par la situation, sa mère accepte qu’il aille vivre chez son père, Peter. Remarié depuis peu et père d’un nouveau né, il va tenter de dépasser l’incompréhension, la colère et l’impuissance dans l’espoir de retrouver son fils.


Florian Zeller avait ému la presse internationale il y a deux ans avec l’adaptation de l'une de ses pièces, The Father, avec Anthony Hopkins et Olivia Colman dans un jeu d'acteurs au sommet et une mise en scène très surprenante.


Florian Zeller adapte une autre pièce de sa trilogie avec The son et aborde une thématique assez rarement traitée, la dépression profonde et le spleen d'un adolescent qui a mal vécu le divorce de ses parents et se trouve entrainé vers le fonds sans pouvoir expliquer son mal être.


Le jeune Zen McGrath est bluffant de bout en bout avec un jeu tout en nuances loin d'être évident à dérouler. On voit dans son regard et ses gestes toute la perdition d'un gamin qui n'a juste plus envie de vivre et n'a aucun goût pour rien et à aucun moment.


La retenue du jeu de Jackman est à saluer, tout en force et masculinité mais tout en délabrement intérieur et perdition face à ce fils qu’il aime et qu'il ne sait pas aider. On ne l'a jamais vu passer de la colère aux larmes avec autant d'émotion, sans en faire des caisses.


Toute l'histoire est basée sur cette impossibilité de trouver les bons mots et les bonnes attitudes car les proches ne peuvent au final pas grand chose.


Zeller use à nouveau de la quasi unité de lieu, en hommage à l'origine théâtrale du récit mais aussi pour renforcer l'impact de certaines scènes. Entre prison dorée de cet enfant perdu et contrechamps qui en disent plus que des mots, le réalisateur utilise l'architecture au service d'un récit fort. Le building magnifique mais aseptisé où travaille le père en dit beaucoup sur sa réussite et son éloignement quotidien et beaucoup d'éléments passent par ce visuel très réfléchi.


Mais surtout The son est tout aussi déchirant que The Father par l'universalité de son propos, la justesse d'interprétation et la redoutable mécanique scénaristique de Florian Zeller.


On dit parfois que le second film est un piège mais pour ma part j'ai trouvé le second opus de Florian Zeller brillant.


La piste aux Lapins :




N°13 - Le bleu du Caftan

De : Maryam Touzani


Le pitch : Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, son homosexualité qu’il a appris à taire. La maladie de Mina et l’arrivée d’un jeune apprenti vont bouleverser cet équilibre. Unis dans leur amour, chacun va aider l’autre à affronter ses peurs.


La réalisatrice marocaine Maryam Touzani signe un très beau film avec « Le bleu du Caftan ». Alors qu’on aurait pu craindre un énième film sur un amour homosexuel proscrit, qui aurait pu tomber dans certains clichés et une redite, la realisatrice opte pour un point de vue différent. De la même manière que cet homme qui ne désire pas les femmes est marié à une épouse qui se doute que quelque chose n’est pas normal dans leur relation, le film préfére montrer de façon feutrée qu’expliquer. La pudeur imprègne toute la mise en scène du film par exemple en ne filmant aucune scène de sexe sauf une, qui montre la douleur de cet homme. Les gros plans qui filment la finesse des tissus et le grain des peaux apportent beaucoup à cette intimité dans laquelle beaucoup d’amour règne malgré tout.

Lubna Azabal est toute aussi impressionnante que dans Incendies de Denis Villeneuve. En femme forte qui lutte et sait au fond d’elle la vérité, elle est sublime. Le film est très émouvant sur sa dernière partie et vous laissera un souvenir fort. Un très beau film sur un amour conjugal platonique, sur la délicatesse dans un couple par respect et par sentiments. Un film très élégant.


La piste aux Lapins :




N°12 - Vincent doit mourir


De Stephan Castang


Du jour au lendemain, Vincent est agressé à plusieurs reprises et sans raison par des gens qui tentent de le tuer. Son existence d’homme sans histoires en est bouleversée et, quand le phénomène s’amplifie, il n’a d’autre choix que de fuir et de changer son mode de vie.


Karim Leklou est brillant de bout en bout, secondé par Vimala Pons, actrice au charme incroyable, qui a du chien et transperce l’écran. Surtout, « Vincent doit mourir » est une nouvelle incursion brillante du cinéma français dans le cinema de genre après Dans la brûme, La nuit a dévoré le monde. La Nuée, Teddy, ou tout dernièrement Le règne animal.


Sur un concept au début limite absurde, le film verse dans le thriller efficace, en mode post apocalyptique français qui raisonne avec à la brutalité de la société depuis plusieurs années, des excès de certains gilets jaunes aux incivilités brutales ou attentats réguliers sur des civils. Le film s’inspire de ce climax pour rebondir sur un film redoutable et au suspens hyper crédible.


Une excellente surprise de cette fin d’année.


La piste aux Lapins :



N°11 - Tàr


De Todd Field


Lydia Tár, cheffe avant-gardiste d’un grand orchestre symphonique allemand, est au sommet de son art et de sa carrière. Mais, en l’espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d’une façon singulièrement actuelle.


Seize ans après Little Children, Todd Field revient avec ce portrait d’une chef d’orchestre très célèbre dont la vie va basculer lorsque ses excès la rattrapent.


Cate Blanchett est prodigieuse de bout en bout et pourrait remporter son troisième Oscar de meilleure actrice pour ce rôle de femme brillante et dure, qui a perdu le sens des valeurs.


Le film nous parle de cancel culture, du wokisme et de #Metoo mais dans un milieu auquel on ne s’attend pas, celui de l’Opéra classique.


Passées vingt premières minutes un peu lentes où il faut faire l’effort d’entrer, le film vous embarque par son personnage éminemment antipathique mais auquel on passe beaucoup de choses. Car Cate Blanchett incarne un maestro tellement adulé et respecté qu’elle peut tout se permettre, d’imposer à un fidèle collaborateur de tout abandonner pour changer de pays, d’imposer de façon brutale et dictatoriale à une autre de laisser sa place à une plus jeune qu’elle convoite comme maitresse. Ainsi le film se construit par une accumulation de petites décisions d’une froideur sèche, qui se justifient souvent par la rigueur du métier mais qui dérangent par l'absence d'empathie. C’est que le réalisateur aborde non seulement l’ascétisme de ces métiers d’artistes qui sacrifient beaucoup pour leur art mais il y insère aussi le féodalisme primaire lié à toute personne de pouvoir qui abuse de ce dernier.


Le plus cynique est qu’on lui pardonne ces touches de cruauté car le personnage est brillant...alors que bien entendu, ce n'est pas moralement acceptable mais l'humain réagit souvent comme ceci et pardonne plus facilement au détenteur du pouvoir lorsqu'il est excellent dans son exercice. Peu à peu la chute nous rappelle la fragilité de tout être qui pense être au dessus à l’heure des réseaux sociaux où le faux pas peut prendre une ampleur et une rapidité incroyable.


Prendre une femme au sein d’un scandale de harcèlement est une excellente idée car il bouscule la vision que tout un chacun a depuis quelques années et casse les a priori avec pertinence. L’abus de pouvoir est décortiqué avec finesse dans un milieu par définition délicat et où toute fausse note ou bruit non maîtrisé déclenche une cacophonie incontrôlable.


Tàr  est d’une grande maîtrise et surprend, porté par une thématique d’actualité, une actrice au sommet de son art et une réflexion immersive sur le rythme et l’affolement d’un monstre de maîtrise de ce dernier lorsqu’il le perd.


La piste aux Lapins :




N°10 - La Voie Royale

De Frédéric Mermoud

Sophie est une lycéenne brillante. Encouragée par son professeur de mathématiques, elle quitte la ferme familiale pour suivre une classe préparatoire scientifique. Au fil de rencontres, de succès et d’échecs, face à une compétition acharnée, Sophie réalise que son rêve, intégrer Polytechnique, représente plus qu’un concours... un vrai défi d’ascension sociale.


Suzanne Jouannet est une grande révélation dans ce film à la fois passionnant par sa thématique et surprenant par son angle d’approche. Le reste du casting est également impeccable.


Le réalisateur a la grande intelligence d’être immersif en cinq minutes d’abord en expliquant en quelques scènes brèves d’où vient cette jeune femme brillante et comment elle est repérée. Elle vient d’un milieu paysant et ce sera clairement une exception dans sa classe prépa. On se doute que ce sera l’un des thèmes du film et effectivement cette ligne de scénario sera exploitée par petites touches, au bon moment, portant un regard non misérabiliste sur le monde agricole, posant les difficultés d’une petite exploitation, les difficultés de venir de ce milieu et de gravir des marches dans un autre monde jusqu’à deux scènes miroirs excellentes.


L’une où l’héroïne est confrontée aux clichés de bourgeois sur son milieu d’origine et une idéaologie bien-pensante mais horriblement condescendante sur la notion d’intégration et d’ascenseur social. L’autre avec son père agriculteur qui se confie sur des choix qu’il a fait plus jeune et qui l’ont ramené aux racines agricoles de la famille, expliquant l’importance de la volonté pour défoncer des barrières sociales.


L’essentiel du film détaille le combat quotidien de ces jeunes gens cherchant à devenir l’élite en bossant comme des fous, certains ayant des facilités et les ayant parfois car ils ont baigné dans un cadre aisé, sollicitant en permanence la curiosité et donnant accès à la culture.


Ceci pourrait être un discours cliché mais ici ceci est présenté avec nuance, et un regard détaché et pas du tout revendicatif. C’est juste un constat qui ne fait pas pour autant des jeunes bourgeois imbuvables pour qui tout a été facilité. Là aussi La Voie Royale surprend par sa nuance, montrant des jeunes qui sont certes parfois durs entre eux mais se serrent les coudes aussi, ont de l’affect et une forme de solidarité, très loin des caricatures sur une ultra concurrence malsaine.


La Voie Royale est donc une excellente surprise et l’un des musts 2023 par sa finesse et sa conclusion à la fois positive et sociale. Un grand film.


La piste aux lapins :




N°9- Le Procès Goldman


De Cédric Kahn



En avril 1976, débute le deuxième procès de Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes. Il clame son innocence dans cette dernière affaire et devient en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle. Georges Kiejman, jeune avocat, assure sa défense. Mais très vite, leurs rapports se tendent. Goldman, insaisissable et provocateur, risque la peine capitale et rend l’issue du procès incertaine.



Cédric Kahn signe un grand film de procès, à la facture très classique, plus classique que la Palme d'Or "Anatomie d'une chute" mais avec un reflet politique d'une époque, celle des années 70, assez forte en soit pour faire oublier le classicisme.


Car c'est un procès très politique à une époque où l’extrême gauche radicale et violente a commis des attentats et se trouve soutenue au moins en partie par une intelligence parisienne avec des artistes de renom comme Simone Signoret.


Le film est très intéressant puisque le grand demi-frère de Jean-Jacques Goldman, le chanteur, était un personnage haut en couleur, clamant tant ses idéaux révolutionnaires que ses origines juives polonaises. Ce qui surprend c'est que derrière la violence verbale et l'énervement du personnage, qu'on devine avoir continuellement fait des sorties de pistes de par son caractère trempé, il y a aussi un homme qui a des convictions et une forme de morale. Il explicite très bien qu'il met la barrière entre le bien et le mal à un autre niveau que le français moyen puisqu'il reconnait ses braquages mais qu'attenter à la vie d'innocent est impossible pour lui. impossible de part l'éducation qu'il a reçue d'un père héros de la résistance et des principes, des valeurs auxquels il tient. Et c'est tout l’intérêt du film et sa dynamique passionnante que de voir un emballement de la machine judiciaire et de l'accusation, de la police pour avoir trouvé un coupable idéal qui coche toutes les cases mais dont les preuves de la culpabilité sont légères.


Le film s'intéresse alors au racisme qui déjà à l'époque irriguait la société française mais aussi à la difficulté de témoigner lorsque l'on est lancé dans la machine et que la mémoire comme l'auto-persuasion et le contexte de l'interrogatoire peuvent influencer les témoins, sans même qu'il y ait la moindre idée de complot de derrière.


Un film d'une rigueur et d'une droiture d'une grande maitrise.


La piste aux Lapins :





N°8 - Mars Express


De Jérémie Périn



En l’an 2200, Aline Ruby, détective privée obstinée, et Carlos Rivera son partenaire androïde sont embauchés par un riche homme d’affaires afin de capturer sur Terre une célèbre hackeuse.


De retour sur Mars, une nouvelle affaire va les conduire à s’aventurer dans les entrailles de Noctis, la capitale martienne, à la recherche de Jun Chow, une étudiante en cybernétique disparue. Noctis est leur ville, une utopie libertarienne rendue possible par les progrès en robotique, emblème d’un futur tourné vers les étoiles.


Visuellement, Mars Express est un succès retentissant et donne après de nombreuses années de vache maigre, un nouveau bijou de l'animation française. Certes nos studios d'animation travaillent pour de grands studios d'animation dont américains mais depuis quand n'avions nous pas découvert un film totalement indépendant et surtout totalement réservé aux adultes. Car même si le film peut être vu par des ados, ses thématiques sont complexes.


Via une enquête sombre en mode course poursuite, le film est à la fois un divertissement qui vous tient en haleine et qui traite de sujets d’éthique quant à l'intelligence artificielle avec un regard légèrement différent et de nombreuses trouvailles visuelles. Très référencé par Blade Runner, Ghost in the shell et autres classiques de la SF, le film sait trouver son propre chemin et sa propre identité rapidement. Et il a sacrément du chien ce Mars Express.


Décidément le cinéma de genre français n'a jamais été aussi brillant, après La Nuée, Teddy, ou récemment Vincent doit mourir et Le règne animal, voici un film cyberpunk d'animation français tout simplement excellent. La place des robots dans le monde de demain est traitée avec une intelligence rare.


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N°7- Killers of the flower Moon


De Martin Scorsese


Enfin le maitre Scorsese réunit ses deux acteurs fétiches, Léonardo DiCaprio et Robert DeNiro, excellents l’un comme l’autre dans cette histoire méconnue et passionnante de l’effacement d’une population par les yankees blancs.


Killers of the flower Moon a contre lui sa durée de 3h26 qui en rebutera plus d’un mais il a pour lui ce scénario impeccable et cette maestria de mise en scène qui nous montre l’un des plus grands réalisateurs de tous les temps rétablir l’honneur et le souvenir de ces indiens spoliés jusqu’au bout par la violence capitaliste issue du contrôle du pétrole.


Une ironie alors que ces derniers avaient été asservis après avoir été massacrés par les colons puis les cow-boys. Le film prend son temps pour raconter la fourberie du personnage de DeNiro, vieillard en apparence bon et attentionné pour cette population mais qui n'est en réalité qu'un parrain mafieux liquidant tous les individus sur le chemin de sa cupidité, sans aucune empathie alors qu'il en joue. En ce sens l'acteur des Affranchis et Casino renoue avec ses rôles les plus marquants, Scorsese orchestrant la rencontre du western avec le film de mafieux. Sa mise en scène vive et acérée comme à l'accoutumée a certes quelque chose de classique mais c'est parceque Martin Scorsese est un pan du cinéma à lui tout seul. Son style et son influence sont tels qu'effectivement, on n'est plus surpris par le bonhomme.


Léo DiCaprio campe quant à lui un personnage faible et manipulable, pas très intelligent mais qui ressent des sentiments pour la femme qu'il détrousse et à qui il a fait des enfants. Il est juste d'une bassesse humaine et d'une absence totale de morale qu'il croit qu'on lui pardonnera toujours tout et que surtout, comme tous ses compatriotes blancs, il est supérieur racialement aux hommes et femmes à la peau rouge. Scorsese saisit si parfaitement ce racisme ancré si profondément que les blancs se doivent de jouer la comédie pour récolter les dollars des peaux rouges dont les terres sont irriguées de pétrole. C'est pessimiste et glaçant sur la nature humaine mais c'est une histoire vraie !


L’Histoire américaine est vue sous un angle peu flatteur, celui des génocidaires devenus petites frappes criminelles sans aucun recul ni conscience des atrocités qu'ils commettent. A 80 ans, Martin Scorsese offre son film le plus engagé et enfin une image à tous ces êtres effacés de l'histoire. Sa fresque est grandiose et magistrale. Non Martin, vous ne pouvez pas réaliser encore que un ou deux films.


La piste aux lapins :





N°6- Spider-Man : Across The Spider-Verse

De : Joaquim Dos Santos, Kemp Powers, Justin Thompson


Oscar du meilleur film d'animation en 2019, "Spider-Man : New Generation" a été probablement la meilleur adaptation de l'homme araignée au cinéma avec une richesse visuelle, scénaristique et un amour pour le personnage qui a conquis la presse et le public.


Sony Pictures sort donc la suite Spider-Man : Across The Spider-Verse qui est ce sera une première partie puisque Spider-Man : Beyond The Spider-Verse sortira en 2024, pile un an après.


On retrouve donc le spiderman ado black Miles Morales et toutes ses versions différentes issues de mondes parallèles avec du plus par rapport au premier. Oui c'est difficile à croire mais cette suite est encore plus réussie que le 1er volume. On y retrouvez la virtuosité graphique qui mélange plein de styles du comic au manga et c'est toujours aussi bluffant.


C'est aussi très drôle et le multiverse se suit sans aucun problème et ce n'est pas gavant ce qui aurait pu être le risque à force de tirer sur la corde. Il y a encore plus de versions de Spider man mais les réalisateurs ont une excellente idée. Ils font pause assez régulièrement dans le long métrage pour laisser la place à l'émotion. Et çà marche très très bien. Le fait de développer le personnage de Gwen, spider woman permet de féminiser le propos tout en créant des liens forts avec le héros.


Plusieurs personnages sont attachants comme la version quarantenaire de Peter Parker ou évidemment les parents de Miles et le père de Gwen qui permettent au long métrage de décoller émotionnellement avec des superbes scènes, très simples, sur l'amour d'un père ou d'une mère pour son enfant et vice versa. Très beau. Et on ne s'attendait pas à ce que le fil aille sur ces terrains là.


Le film est complètement méta jusqu'à intégrer des images live action des films Spiderman et c'est fait avec une créativité et une intelligence folle. C'est tellement plaisant de voir un spectacle hyper respectueux d'un mythe et de son public et mené par des artistes tellement talentueux, des graphistes aux scénaristes en passant part les metteurs en scène. Le résultat est vraiment très beau, drôle, authentique et émouvant.


Un très très grand film d'animation qui donne espoir dans l'industrie hollywoodienne. Car le public est présent, le film cartonne et fait trois fois plus d'entrées que le précédant et donc le public valide une œuvre de qualité et çà c'est très très important pour le futur. La créativité et l'inventivité stylistique sont la marque de fabrique de cette nouvelle franchise.


Un chef d’œuvre de l'animation.


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N°5- Disco Boy


De Giacomo Abbruzzese



Prêt à tout pour s’enfuir de Biélorussie, Aleksei rejoint Paris et s’engage dans la Légion étrangère. Il est envoyé au combat dans le Delta du Niger où Jomo, jeune révolutionnaire, lutte contre les compagnies pétrolières qui ont dévasté son village.


Disco boy est un premier film surprenant par la forme, le fond, rythmée par la géniale bande-son de Vitalic.


Au début on comprend vite que le personnage principal parlera peu et c’est tant mieux.


Giacomo Abbruzzese a choisi deux acteurs aux visages d’une cinégénie incroyable. Franz Rogowski, vu dans Great Freedom et Freaks out, est fascinant filmé en gros plan. Ce regard et ce visage sont utilisés avec un talent incroyable, exprimant tant la page blanche d’un homme qui a tout quitté pour oublier son passé et se mettre au service d’une France qui lui ouvrira de nouvelles portes, que celui d’un homme mystérieux qui va se transformer.


La mise en scène disruptive et créative ainsi que la bande son font le reste. De l’autre côté, il y a ces rebels duNigeria menés par l’acteur Morr N’Diaye, iconisé de façon héroïque, d’une masculinité brute, en pleine forêt. Là le message de rébellion contre les entreprises étrangères dont françaises pillant et polluant le sol, laisse place à un mysticisme envoûtant. Le film choisit de ne pas montrer la violence de ces résistants qui défendent leur terre ou de la légion étrangère qui exécute un sale travail. Le réalisateur préfère tout suggérer avec des idées géniales de mise en scène.

Giacomo Abbruzzese opte pour une histoire hallucinée qui parle de fantômes, de réincarnation avec une poésie et une facilité déconcertante. On y parle de guerre, de personnages déracinés par d’autres qui eux ont choisi de ne plus en avoir. Et ceci est fait dans une déclaration artistique exaltée et totale, loin des normes habituelles, sans surfer sur une hype quelconque, avec une vraie singularité.


Visuellement et d'un point de vue sonore, c’est une expérience et c’est énorme d’envouter par un

mixte de danse, de son, de thématiques et d’image sans verser dans une pause arty et élitiste.

La grâce qui se dégage de l’ensemble mérite que vous couriez découvrir l’une des probables pépites de l’année.


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N°4 - The Killer


De David Fincher


Après un désastre évité de justesse, un tueur se bat contre ses employeurs et lui-même, dans une mission punitive à travers le monde qui n'a soi-disant rien de personnel.


The Killer est du pur Fincher, précis, clinique, obsessionnel à l’image de son personnage principal qui raconte en voix off sa méthode pour exercer son métier, tueur à gage, sans fautes. Le manque d’empathie du personnage pourtant laissé à la dérive suite à un loupé de contrat, aurait pu rendre le film froid et distant. Mais le grand maître qu’est David Fincher n’oublie jamais l’humour ou le jeu qu’il aime entretenir avec son public. Certes le film a tout pour être un film d’action tendu mais il choisit de déjouer en permanence les attentes du public, avec une longue introduction parisienne où il fait toucher du doigts la patience répétitive et l’ennui du personnage, tout en distillant un regard cynique voire nihiliste qui se diffusera tout au cours du long métrage rappelant ma noirceur existentielle de Seven et Fight Club. Puis l’action déboule à des moments inattendus, violente et brutale, ultra réaliste et vient faire le job d’un film qu’on pourrait considérer comme mineur dans la filmographie du réalisateur de Seven, Fight club, Zodiac, The Social Network, Gone Girl ou coté séries House of cards et Mindhunter. Or il n’en est rien, le film continuant à rester en tête par ses images fortes, son climax très particulier et évidemment le jeu excellent d’un Michael Fassbender dans l’un de ses très bons rôles, lui qui se fait rare depuis cinq ans.


Fincher montre aussi un monde ultra connecté qui jette ses déchets et zappe ou scroll sur la séquence de vie suivante sans s’attacher véritablement au passé et sans prendre le temps de l’introspection. Son personnage agit ainsi de façon mécanique mais n’a pas véritablement de sens à son existence. Comme si le contrôle de tout pouvait donner du sens là où il créé souvent une forme de fragilisation des fondations du quotidien dès lors qu’un grain de sable vient perturber la machine. Ce regard froid sur une humanité qui l’est tout autant ne manque pas du cynisme légendaire que l’on connaît de ce grand maitre des 30 dernières années de cinéma qu’est David Fincher.


La grande classe de mise en scène de David Fincher éclate à chaque plan dans un film à la fois radical sur un tueur méthodique ultra maîtrisé comme Fincher a la réputation de l’être. Ce dernier va dérayer et tenter d’arrêter un système de destruction intrinsèquement programmé comme tel en agissant lui même avec une rigueur flippante et froide pour tout « nettoyer » avec perfection. Évidemment on pense au maitre qu’est Fincher et a sa réputation de tout préparer comme un métronome avec un souci du détail incroyable qui se traduit dans l’effet que provoque sa mise en scène sur le spectateur. Et c’est juste brillant.


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N°3 ex aequo - The Fabelmans


Steven Spielberg s'est pris une veste au box-office avec son remake de West Side Story.Après cette incursion dans la comédie musicale, il opte pour un film très personnel retraçant sa propre enfance.


Malgré des critiques américaines élogieuses (92% de bonnes critiques sur l'agrégateur Rotten tomatoes), le film a fait un four et c'est bien triste.

Car le film est les des meilleurs opus de Spielberg. Là où on peut souvent lui reprocher de la mièvrerie et des bons sentiments qui saccagent un certain nombre de ses œuvres, The Fabelmans fait preuve d'une incroyable justesse et d'une retenue dans les émotions qui décuplent encore plus l'impact du long métrage.


Au début les scènes où on voit comment le petit Steven s'est pris une baffe incroyable pour son premier film vu au ciné puis a tenté de refaire des effets spéciaux de bric et de broc et toujours des films et des films montrés à sa famille puis à l'école, intégrant ses camarades et prenant de plus en plus d'astuces inventées sur le tas...toute cette partie du film est drôle et bercée d'émerveillement. On voit naitre la fibre du cinéaste dès tout petit ainsi que tout son imaginaire. C'est très très réussi et léger comme un film d'aventures à la Spielberg. Distrayant et bien réalisé. La scène où il découvre comment diriger un acteur qui n'en n'est pas un est juste géniale et méta et celle où son grand oncle lui parle de l’égoïsme des artistes sonne comme un aveu de culpabilité de Spielberg pour tout ce qu'il a sacrifié dans sa vie personnelle au service de son art.


Puis le cinéaste se livre sur ses blessures familiales et là il va enchainer des scènes mémorables, d'une simplicité affolante et qui pourtant auront du mal à ne pas vous faire pleurer.

Michelle Williams joue la mère du réalisateur et l'excellent Paul Dano  (Little Miss Sunshine, There Will Be Blood, Prisoners, Twelve Years a Slave, The Batman) son père. On va voir comment le jeune Steven voit se détruire l'amour de ses parents l'un pour l'autre devant lui et il le fait avec un brio qu'on ne lui a pas connu depuis longtemps. Je ne vous raconterai pas ces scènes qui se suivent et marquent par leur finesse incroyable, vue de l’œil du fils et du cinéaste en herbe, il ne pouvait pas rendre un plus bel hommage à ses parents. Évidemment il n'y a aucun jugement d'un fils vers ses parents mais énormément d'amour dans le regard d'un cinéaste majeur de 77 ans, qui n'a plus rien à prouver, et leur lance une grande et belle déclaration d'un adulte qui se remémore cette histoire tragique avec le recul nécessaire. Et c'est tout simplement magnifique.

Spielberg aborde aussi l’antisémitisme crasse et alors qu'il n'a pas sui souvent mis en avant cette thématique, il le fait avec toute l'intelligence et la classe qu'on lui connait.

L'un des très grands films de cette année, entre déclaration d'amour au cinéma, à sa mère et son père et récit initiatique d'un homme qui a su très vite voir plus loin et au dessus de la médiocrité pour faire rêver le plus grands nombre. Un film d'une très grande humilité malgré tout. Un chef d’œuvre.


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N°3 ex aequo -"Babylon"

De Damien Chazelle



Los Angeles des années 1920. Récit d’une ambition démesurée et d’excès les plus fous, BABYLON retrace l’ascension et la chute de différents personnages lors de la création d’Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites.


Le franco-américain Damien Chazelle est de retour pour ce film somme ultra attendu, après ses excellents "Whiplash", "LalaLand", et "First Man".

Prenant place dans les années 20 pendant la transition du cinéma muet au parlant, Babylon est très différent d'autres très grands films ayant abordé cette période et ce milieu comme The Artist ou Sunset Boulevard de Billy Wilder.


Le film commence à toute allure par une orgie et n'affiche son titre qu'au bout d'une demi-heure après une scène faite de profusion d'excès, de vulgarité, de crade, de sexe, de drogue, d'alcool et de dépravation. Et Chazelle monte tout son film à ce rythme effréné parcouru de scène de bravoure absolument époustouflantes qui vous feront rire, vous étonner et vous émouvoir. 3h10 qui passent à une allure folle et sans ennui. Car le réalisateur assume totalement cet excès dans sa mise en scène ou dans des scènes et ce que font ces artistes d'un âge d'or disparu. C'est plein comme un œuf d'idée géniales qui foisonnent de bruit, de son, de visuels extravaguant. Ceci a déplu aux Etats-Unis à une partie de la presse. Moi j'ai adoré. D'autant que le metteur en scène nous balance une immense déclaration au pouvoir du septième art à nous sortir de nos vies quotidiennes pour nous émerveiller. Et sa mise en scène comme ses décors comme ses acteurs comme le fonds du propos sont extrêmement réussis.


Margot Robbie est étincelante dans ce rôle de jeune femme qui brûle la vie des deux côtés et veut devenir une star Diego Calva, acteur mexicain de 29 ans,inconnu du public mondial, est l'immense révélation du film, il est de nombreuses scènes et crève l’écran dans le rôle de ce jeune mexicain cherchant n'importe quel métier à Hollywood du moment qu'il intègre l'usine à rêves. Les plus beaux moments viennent de lui, de son regard amoureux de la jeune star comme de son regard émerveillé par le faste de la machinerie hollywoodienne ou lorsqu'il s'effraie de ce qu'il va devoir gérer ou réparer. Il est très très bon. Enfin l'excellent Brad Pitt, ajoute un autre rôle marquant à sa carrière impressionnante dans cette star du muet pour qui le passage au parlant va être fatal. Il est à la fois drôle et attachant par ses excès mais aussi très touchant lorsqu'il comprend qu'il perd pied et que la révolution technologique va l'avaler.


Damien Chazelle nous raconte d'ailleurs que cette industrie est plus grande que ses stars et ses différents employés qui ne font que passer mais que la machine se poursuit au fil de l'évolution des technologies tout en apportant le même espoir, la même lumière et les mêmes émotions dans les yeux des spectateurs selon leur époque. Sa scène finale et à ce titre brillante. Il insiste sur l'immortalité que les images apportent à leurs interprètes et se drape d'une nostalgie adulte et consciente sur le temps qui passe.


En parlant avec actualité du passé d'un art tout entier, en parlant de la folie des coulisses aux délires cinégéniques à souhait tout en faisant le lien avec la magie des images et de l'effet sur les spectateurs, Damien Chazelle signe un film monstre qui peut être too much pour certains. Pour ces derniers, le rythme sera trop rapide malgré sa durée, pouvant fatiguer, ou dans la surenchère provocatrice mais pour moi c'est tout le contraire. J'ai été scotché par cette célébration flamboyante de l'impact du septième art tout en parlant de ses arrières cauchemardesques dans sa production. Je comprends que le film divise mais pour moi c'est à cela qu'on reconnait certains chefs d'œuvre. Quand la baffe est crue et violente mais qu'est ce que çà fait du bien !

Magistral.


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N°3 ex aequo - Je verrai toujours vos visages

De : Jeanne Henry


Le pitch : Depuis 2014, en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel. Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l'arraché, mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engagent tous dans des mesures de Justice Restaurative. Sur leur parcours, il y a de la colère et de l’espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée… Et au bout du chemin, parfois, la réparation...


La réalisatrice Jeanne Henry, qui a signé le très réussi Pupille, revient avec un film à la thématique très originale, portée par un scénario simple et efficace et une brochette d'acteurs tous d'une justesse incroyable. On a un immense plaisir à retrouver Elodie Bouchez et sa voix douce et son regard plein d'empathie qu'on n'a pas assez vu ces 15 dernières années. Adèle Exarchopoulos, et Leïla Bekhti sont excellentes et livrent un jeu d'un très haut niveau avec un naturel confondant. On de la chance d'avoir des actrices d'un tel talent en France. Revoir Fred Testot ou Miou Miou au milieu de ce casting hétérogène composé de Gilles Lellouche, Jean-Pierre Darroussin, la solaire Suliane Brahim ou Dali Benssalah, qu'on préfère largement ici avec sa brutalité fragile que dans le tristement raté Athéna.


Le film est grand car il est utile. Ce film là devrait être diffusé très largement pour parler du civisme et de ce que doit être un ciment social dans une démocratie moderne. Il aborde frontalement des sujets qui font le terreau de l'extrême droite mais apporte de l'espoir via ces expérimentations fragiles, qui demandent un engagement volontaire des victimes et d’agresseurs. Le film est passionnant de par l'investissement des bénévoles qui sont croqués avec beaucoup d'intelligence via des acteurs qu'on connait et qui portent en eux des valeurs comme Darroussin.


Il l'est aussi de par l'espoir qu'il fait naitre d'une part d'une réinsertion et d'une prise de conscience de l'impact des actes par les agresseurs, de l'impact du mal auquel ils ne réfléchissent même pas. Et du côté des victimes, c'est l'acceptation et non pas le pardon qui est recherché. Comprendre l'autre et le laisser s'exprimer, dans les deux sens. Une méthode qui permet aux condamnés de faire un pas vers la vie civile en réalisant au delà des peines qu'ils purgent, le fossé et les blessures qu'ils ont créés. La technique leur permlet aussi de prendre conscience qu'une partie de la société veut faciliter leur réinsertion. Et côté victimes c'est ce deuil de la douleur et du trauma qui est recherché en les confrontant à d'autres agresseurs que les leurs, pour d'une part avoir un discours de vérité avec eux et d'autre part tuer les chimères et les peurs qui se sont enfouies dans leur subconscient suite aux chocs traumatiques.


Le film est construit avec une grande intelligence et ne verse absolument pas dans une forme d'angélisme sur la rédemption, en montrant que certains agresseurs peuvent rester fermés dans leurs croyances qu'ils ont des justifications ou des excuses à leurs actes. Le film n'est pas binaire. Il est à la fois axé totalement sur la psychologie et la capacité d'écoute mais aussi sur une volonté d'aller de l'avant vers la lumière et un avenir allégé même si rien ne s'oublie totalement.


"Je verrai toujours vos visages" est un grand film choral et un grand film social. La générosité et la spontanéité des interprètes comme la limpidité du scénario et de la mise en scène font du film un moment facile à regarder et hyper intéressant sur le fond car pédagogue sans être donneur de leçons. C'est un film qui redonne foi dans la nature humaine et çà c'est énorme dans un monde où on ne s'écoute plus, où on zappe et scrolle sans réfléchir. Le temps et le dialogue sont ici le personnage principal d'un film en tout point réussi. Courrez-y !


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N°2 ex aequo - The Old Oak


De Ken Loach


Le pitch : TJ Ballantyne est le propriétaire du "Old Oak", un pub qui est menacé de fermeture après l'arrivée de réfugiés syriens placés dans le village sans aucun préavis. Bientôt, TJ rencontre une jeune Syrienne, Yara, qui possède un appareil photo. Une amitié va naître entre eux...


A 86 ans, le maître britannique qui était censé avoir terminé sa carrière revient pour un nouveau film. L’homme derrière de multiples bijoux du cinéma social britannique a signé ces films incontournables que sont Kes, Family life, Riff Raff, Ladybird, Land and freedom, My name is Joe, Sweet sixteen, Le Vent se lève (1ere Palme d’Or) ou Moi, Daniel Blake (seconde Palme d’Or).


Ses détracteurs ont trouvé le film mièvre et naïf, trop gentil. Oui mais ceci fait tellement de bien qu'avec une grande sobriété, Loach se tienne encore debout le poing levé. Il est toujours là et il revient témoigner une dernière fois d'un autre drame qui le déchire, celui des migrants syriens confrontés au racisme le plus pur de pauvres gens vivant dans des bassins autrefois miniers, ravagés par le chômage et la pauvreté. Et comme le dit l'un des personnages, les pauvres peuvent effectivement facilement rejeter les plus pauvres qu’eux par peur, par incompréhension qu'on les aides et pas eux, parceque les sujets de politique internationale et de migrations les dépassent, qu'ils voient concrètement que des étrangers débarquent chez eux.


Mais plutôt que de les juger, Loach a la grande intelligence d'expliquer que parmi eux figurent fort heureusement des hommes et femmes au grand cœur et que dans l'adversité le fait de se serrer les coudes entre victimes de la violence du monde, rend plus heureux à défaut de rendre plus forts. Le vieux chêne qu'est Ken Loach a comme arrêter de croire qu'on pourrait faire changer le monde, il est amer mais il tient débout et ne veut pas lâcher l'espoir. Ce qui est magnifique dans The Old Oak et qui m'a fait pleurer à chaudes lames à plusieurs reprises, c'est que Ken Loach filme avec une simplicité et un naturel déconcertant la beauté qu'il y a potentiellement en chaque être humain.


Cette capacité que chacun d'entre nous a de se donner pour l'autre et de regarder moins ses propres problèmes et plus ce qui peut aider soin prochain. Loach n'est pas croyant dans une religion mais il croit en l'homme, en sa capacité à créer de belles choses en s'unissant. C'est peut-être naïf mais d'une part c'est souvent vrai et d'autre part c'est le plus beau message d'espoir qu'il pouvait nous léguer après une filmographie aussi brillante où il a passé son temps à réveiller les consciences. Ken Loach manquera forcément au monde du cinéma, le maitre n'ayant pas son pareil pour provoquer l'émotion tout en parlant des plus démunis avec justesse et empathie.


The Old Oak a été très chaleureusement accueilli en compétition à Cannes 2023 et certains le voyaient comme une potentielle 3ème palme d'Or pour le cinéaste. C'est un chant du cygne admirable de bout en bout, une synthèse de l'essence même de son cinéma et un énorme coup de cœur dans cette riche année 2023. Ken Loach part avec ce dernier opus, d'une grande classe et c'est le plus beau cadeau qu'il pouvait nous faire. Merci Monsieur Loach pour ces 50 ans de carrière et toutes les émotions et les cris de colère que vous nous avez fournies. Merci.


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N°2 ex aequo - Anatomie d’une chute

De Justine Triet


Cette deuxième palme d’or française en trois ans, attribuée à une réalisatrice raisonne autrement que celle attribuée au très clivant Titane, que j’avais trouvé personnellement pénible à regarder. Si on passe sur la polémique lors de l’attribution de la palme et que l’on se concentre sur l’œuvre, il est clair que Justine Triet mérite sa palme tout comme son succès en salles puisque le film devrait dépasser le million d’entrées.


Le pitch : Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.


Le choix de Sandra Hüller pour interpréter ce personnage féminin trouble est une idée déjà excellente.


Le visage parfois impassible et énigmatique de l’actrice ajouté au fait qu’elle s’exprime en anglais dans un monde français, atteignent deux objectifs. D’abord on est mis dans la situation d’un juré avec un entretien du doute permanent renforcé par une mise en scène parfois clinique mais d’une redoutable efficacité.


Ensuite on comprend le fait que le personnage soit encore plus paumé que n’importe quel personne accusée de meurtre.


Au fil d’un scénario extrêmement bien ficelé, la réalisatrice nous ballade dans nos propres convictions tantôt penchant pour le fait que l'accusée manipule, après tout le personnage est romancière, tantôt pour le fait qu’elle est innocente via le déroulé de révélations qui soufflent le chaud et le froid. Bref, on ne sait pas et ce qui est brillant chez Justine Triet, c’est qu’elle nous montre la difficulté pour la justice de juger et le façonnement de ce qu’on appelle l’intime conviction.


Swan Arlaud, excellent comme à son habitude, l’exprime très bien en avocat de l’accusée dont le regard trahit le même doute qui nous assaille. Milo Machado Graner, qui joue l’enfant est impressionnant de maturité et livre certaines des scènes les plus poignantes.


Justine Triet réinvente le film de procès en ouvrant les portes du tribunal via des flashs backs, des reconstitutions policières ou le quotidien de cette femme en attente de jugement, dont la vie ne tient qu’à un fil, qui doit gérer son fils, ne pas perdre la foi qu’il a en sa mère, ne pas devenir à ses yeux la meurtrière de son père adoré et bien sûr éviter d’être broyée. Elle est calme, peut être trop, puis elle s’effondre puis combat, doute et à chaque instant on se demande où est la part de maitrise, de jeu et où est notre part de spectateurs jurés paranoïaques.


Un film magistral sur l’ambiguïté d’un couple et sa déliquescence au fil du temps et un film magistral sur la présomption d'innocence.


Et pour sur, une palme très classe.


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And the winner is...


N°1 - Le règne animal


De Thomas Cailley 


Le réalisateur du très bon "Les combattants" revient enfin : "deux ans après l'apparition des premières mutations de l'homme vers l'animal. La société s'adapte, prend en charge et tente de soigner ses "créatures" dans des centres spécialisés. Mais un convoi a un accident, et les Créatures se dispersent dans la nature…".


Romain Duris et Adèle Exarchopoulos sont accompagnés de Paul Kircher, la révélation du film Le lycéen sorti fin 2022, pour ce film SF made in France.

Et disons le d'entrée, "Le règne animal" est une énorme claque comme on en voit rarement et sera probablement l'un des plus grands films de 2023.

Fable écologique novatrice, le film a reçu un superbe accueil à Cannes car le résultat est époustouflant, d'une grande profondeur de thématiques tout en étant divertissant.


Le jeune Paul Kircher est de la plupart des scènes et il est brillant de naturel, d'animalité. Il est drôle et touchant en adolescent qui comprend ce qui lui arrive et cherche à repousser l'inévitable. Sa connexion avec la nature, son rapport à ces êtres mi-hommes mi animaux est fascinant. Le film aurait pu tomber dans le ridicule très rapidement. Sauf que c'est tout l'inverse en utilisant une forme originale et créative pour mieux traiter du fond, des questions qu’il soulève avec puissance.


Thomas Cailley a pris un risque et quel risque, en ayant l'ambition de porter ce discours métaphorique sur le bien être animal, sur la tolérance vis à vis d'êtres différents, thématiques traitées dans de nombreux films, de films d'auteurs jusqu'aux X-men. Et là, avec sa mise en scène fluide et inspirée, en utilisant la nature comme refuge et cette approche fantastique loin des images de blockbusters américains, il vise extrêmement juste. Mieux, il touche à l'universel de par ces thématiques traitées avec une créativité confondante de beauté. Car ces animaux donc, ne sont pas du tout ridicules, ils sont non seulement crédibles mais ils sont beaux, là où oser ce type d'image était super casse gueule.


Thomas Cailley fait donc un retour triomphal après 9 ans d'absence avec ce film d'une créativité, d'une poésie extrêmement rares. Romain Duris est encore une fois excellent et très touchant et montre qu'il est un très grand acteur, aux intelligences de choix de films toujours bluffante. Dans le rôle de ce père tolérant, altermondialiste et surtout aimant, il nous bouleverse tout au long du film et nous tire des larmes chaudes car pas du tout baignées de pathos. L'autre thème du film, la filiation, est traité avec beaucoup de pudeur et de justesse. Son duo avec Paul Kircher fonctionne à merveille et les quelques scènes avec la géniale Adèle Exarchopoulos amènent leur lot d'humour et de simplicité. Car oui, en plus d'être beau, surprenant, d'embrasser de telles thématiques avec autant d'efficacité et de naturel, le film est souvent drôle.


Le règne animal est une fable d'anticipation au souffle romanesque, dont le charisme des acteurs et la force des images et du récit font qu'on se dit qu'on a vu un chef d’œuvre.


Et c'est un miracle car dans ce genre de science-fiction, qui plus est en France, on pouvait difficilement s'y attendre.


Courez vous rendre voir ce petit bijou d'une confondante beauté, il vous marquera à coup sur.


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