Melancholia
- Blanc Lapin
- 7 janv. 2023
- 4 min de lecture
De: Lars Von Trier

Avec Melancholia, Lars Von Trier retrouve l'accueil critique excellent auquel il est habitué, deux ans après avoir bien divisé autour de son "antichrist".
Il retrouve aussi Charlotte Gainsbourg dont la douceur, le visage si triste et la voix cassée auraient pu lui valoir un autre prix d'interprétation Cannois. Mais c'est l'autre actrice du film, Kirsten Dunst qui le reçoit de façon amplement méritée. Elle joue à la perfection la dépressive chronique au caractère à fleur de peau qui décide d'autodétruire son mariage avant de n'attendre plus rien de la vie sauf une fin en paix avec elle même, sans se mentir ou trouver un échappatoire dans une hypothétique vie après la mort.
Elle hait le monde, le trouve moche, corrompu et fait de faux semblants sans espoirs. A ce titre, la première partie du film, qui se déroule durant sa nuit de noces est d'une excellente facture. Les scènes de diner de noces font penser au "Festen" de l'ami Thomas Vinterberg, bénéficiant d'un casting hallucinant, John Hurt en père, Charlotte Rampling en mère désabusée, Kiefer Sutherland en beau frère compréhensif mais impuissant, Charlotte Gainsbourg en soeur aimante et peureuse, ou Alexander Skarsgård en époux magnifique. Le vampire viking de true blood trouve un très beau rôle de conjoint idéal, trop propre sur lui et trop parfait pour rendre heureuse un individu comme le personnage de Kirsten Dunst. Les aspérités complexes de sa personnalité sont des gouffres, elle ne sera jamais satisfaite dans ce monde là, car elle a évacué tous les oripeaux qui l'accrochent à la vie en société telle qu'on la connait. Elle est libre mais seule.
Mais voilà, passée cette mise en bouche, Lars Von Trier nous gâche à son tour son film avec une suite fade et indigeste voire soporifique. Il tombe dans une poésie qui sent pour moi plus la facilité que l'ambition réelle de traiter du sens de nos vies. La seconde partie s'axe sur la fin du monde imminente provoquée par une planète, Mélancholia, qui va percuter la terre. Dans le genre symbole pompier, l'auteur de "breaking the waves" et "dancer in the dark" pouvait difficilement faire pire.
Plutôt que de développer son sujet, il laisse son film défiler vers une fin programmée, ne s'emmerdant pas avec les dialogues, et se faisant plaisir avec des images somptueuses, rappelant les premières du film, sublimes tableaux vivants. C'est beau certes. Mais quand les critiques qui ont descendu "tree of life" de Terrence Malick pour son manque de retenue, s'extasient ici, j'avale mon chewing gum. Oui je mâche en écrivant là tout de suite. La musique de Wagner est omniprésente et balourde au même titre que celle du Malick. Mais là où la palme d'or partait d'une sublimation de la nature et d'une croyance en l'être divin, Mélancholia fait l'appologie du vide après la vie, de la futilité de l'homme mais sans s'intéresser au reste, à la nature. Ce constat noir d'échec de notre civilisation est une opinion comme une autre. Why not? Je me suis simplement profondément ennuyé. Pourtant, les scènes nocturnes de mariage éclairées à la bougie dans un immense parcours de golf laissaient entrevoir de superbes envolées. La retenue de Von Trier m'a paradoxalement laissé de marbre, moi qui n'aime pas tellement ses grandes saillies émotionnelles habituelles. En fait, j'ai trouvé qu'à l'image des premières scènes très léchées, Lars Von Trier se vautrait dans un cinéma poseur, se regardant énormément le nombril, là où Malick est généreux bien que maladroit sur la même thématique.
Lars Von Trier a une très haute opinion de son travail et ça se voit à l'écran. Un cinéma qui manque d'humilité et croit qu'à partir d'un bon début, il suffit de laisser défiler un scenario creux et inexistant, en roue libre, pour épater le chaland. Voyez comme c'est beau ! Ben oui mais ceci ressemble à une jolie coquille à moitié vide qu'un faussaire habile vous vendrait pour un chef d'oeuvre. Ca sent le toc. C'est peut être volontaire d'instaurer l'espoir d'un grand film pour lâcher le spectateur sur des scènes d'une banalité et d'une absence de réflexion confondante. Mais pour moi le sentiment de mélancolie s'est mué en profond agacement. Vous savez, celui qu on a quand on a acheté de très beaux habits et qu'on se rend compte qu'au final ils s'effilochent ou se délavent au premier lavage. Des fringues hipe et snobes qui sont au fond une belle arnaque.
Je n'aime décidément pas Lars Von Trier. Et pourtant j'y allais avec les meilleures intentions. Je n'aime pas le personnage mais je sais faire la différence avec son oeuvre. J'ai aimé certains de ses films. Mais le provocateur facile qui s'est encore illustré à Cannes n'a t il pas justement versé dans cette facilité ici, pensant à juste titre qu'il en foutrait tellement plein la vue qu'on ne verrait pas qu'il avait bâclé sa fin, par paresse ou par simple envie de nous jouer un tour ironique. L'homme aime l'autodestruction et cherche peut être à ce que la critique l'épingle un jour...mais ce n'est pas pour demain, hélas pour moi...Lars va nous faire un film porno pour son prochain, sacré Lars ! Il peut vraiment tenter tout et n'importe quoi, il sait qu'on l'applaudira....enfin avec le coup des propos sur Hitler et les juifs à Cannes, il a failli se plomber pour de bon le petit malin...
La piste aux Lapins :

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