De: Jonathan Glazer
Diriger un film de SF quasi muet, où la parole se fait rare, centré sur la beauté venimeuse d'une Scarlett Johansson qui passe le plus clair de son temps à conduire un grand van dans des villes paumées d'Ecosse, c'est comment dire...ultra casse gueule !
Et pourtant, Jonathan Glazer signe là l'un des films de SF les plus originaux de ces dernières années, par une réalisation sobre, des choix radicaux et une utilisation géniale de l'imagerie fantomatique et perdue d'Ecosse et du charisme de son actrice star.
Pour son adaptation de la nouvelle de Michel Faber, Glazer choisit donc de coller à une extraterrestre qui s'est glissée dans la peau d'une humaine ultra sexy. Nous allons donc suivre cet être sans aucune explication sur la façon dont elle a débarqué sur terre et sans aucune parole entre elle et ceux qui l'ont envoyée.
Surtout, nous allons voir à travers ses yeux les humains comme des individus totalement étrangers, comme une race extérieure à la notre. C'est un peu l'histoire d'un œil venu de l'espace qui se baladerait au milieu des hommes. L'alien a une mission, celle de faire disparaitre des hommes après les avoir séduits. Mais plutôt que de faire de cette mante religieuse un assassin sanguinaire, le personnage va plutôt se contenter de chasser, de séduire et d'attirer ses proies, laissant le reste se dérouler sous forme d'un symbolisme assez fascinant et troublant, rendant hommage à bien des imageries des années 70. Les chimères que le réalisateur vous montre à l'écran au milieu de scènes pourtant d'une grande banalité, vous heurtent et vous suivent de façon fantomatique bien après la séance.
Le film comporte peu de textes mais aussi peu de musique. La bande-son est stridente et créé une atmosphère oppressante, qui va amplifier des scènes d'une grande limpidité, nous amenant au bord de certains précipices plutôt inédits en matière de SF. Les aliens sont rarement gentils au cinéma mais on comprend souvent leur objectif et surtout on les voit du côté humain. Le renversement de situation et d'approche est pour le coup très réussi. Et puis surtout, l'absence totale de réflexes humains, d'empathie pour ces derniers, donne lieu à des scènes quasi muettes mais terrifiantes sans pour autant verser dans l'hémoglobine. Pas du tout même. Les effets spéciaux s'avèrent inutiles face aux talent de mise en scène de Jonathan Glazer.
Le film est visuel avant tout, fascinant par sa fluidité et sa simplicité, l'abstraction donnant à l'objet filmique non identifié un statut tout particulier. "Under the skin" est un film sensoriel et une expérience de cinéma, un film surréaliste, très esthétique et sombre à la fois. Le film est anxiogène et fait froid dans le dos à bien des moments mais réserve un final déstabilisant, d'une vision poétique assez géniale.
Enfin si il peut paraitre long à certains, j'ai pour ma part totalement adhéré à ce film conceptuel novateur, gonflé et porté par une Scarlett Johansson qui a rarement été aussi envoûtante et pertinente dans son choix de projet artistique.
"Under the skin" est une excellente surprise est l'un des films de 2014 à voir de toute urgence !
La piste aux Lapins :
Terrence Malick
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